LE BLOG DE PUB | HISTOIRE DE PUB
“La musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots.” – Richard Wager
En 1969, Eric Lipmann du groupe Publicis réalise un spot publicitaire qui sera le premier d’une longue série : Dim. On y voit cinq jeunes filles dansant en collant sur la célèbre mélodie composée par Lalo Schifrin, The Fox. Pour l’époque, une telle audace était inhabituelle, ce qui explique pourquoi il est devenu incontournable. Mais quel a été le rôle de la bande son, dans tout cela ? D’après vous, pour quelle raison l’audience a-t-elle si bien retenu le nom de la marque ?
Depuis toujours, la musique nous accompagne en influençant nos humeurs et certains de nos comportements. Nombreux sont les scientifiques ayant voulu démontrer ce phénomène : prenez par exemple Nicolas Guéguen, un docteur en psychologie sociale qui a réalisé une étude prouvant que les clients d’un magasin sont plus enclins à acheter s’ils sont exposés à une chanson qu’ils aiment bien. Déjà au XIIIème siècle, les marchands ambulants avaient pour habitude d’entonner des airs pour mettre en avant leurs produits, mais ce n’est qu’avec la naissance de la radio que la musique a réellement pris ses marques dans le monde de la publicité.
Après l’invention de la télévision, la tendance a commencé à prendre de l’ampleur, étant donné qu’il était devenu possible de superposer une musique à des images de manière à ce qu’elles soient parfaitement synchronisées. Les premiers spots publicitaires français furent diffusés suite à un décret signé par George Pompidou en 1968, bien qu’ils ne restent autorisés que dans trois secteurs – l’alimentaire, l’électroménager et le textile – et qu’ils soient soumis au contrôle de la Régie française de publicité chargée de faire respecter des critères de ‘décence’. Ces derniers furent cependant revisités en parallèle du succès retentissant des publicités pour Dim. Sans en avoir conscience, la marque s’est non seulement rendue précurseuse d’une libération sociale, mais aussi artistique, car elle a mis en évidence l’importance considérable du choix musical dans les spots télévisés.
ThE FOX, un air qui reste en tête
La musique a une fonction mnémotechnique et distinctive. C’est d’ailleurs pour faciliter la mémorisation des enfants que beaucoup de comptines ont été écrites. Lorsqu’il est exposé à de la musique, le cerveau humain voit ses différentes zones stimulées : langage, motricité, émotions… D’où l’avantage de donner une identité sonore à sa marque. C’est un concept à la mode, et pourtant, cela fait bien plus longtemps que les vendeurs utilisent des sons pour permettre aux potentiels consommateurs d’identifier et reconnaître leurs produits.
Dim a su reprendre cette idée avec classe. Si elle n’avait pas réinterprété The Fox dans ses campagnes suivantes, peut-être que beaucoup de téléspectateurs n’auraient pas su faire le rapprochement avec les anciennes et que son nom ne serait pas autant resté dans les esprits. En choisissant de réadapter la même musique à chaque nouveau spot, l’entreprise a créé une sorte de saga publicitaire impossible à oublier. Et maintenant, lorsque quelqu’un écoute ce fameux morceau composé par Lalo Schifrin, c’est certainement à Dim qu’il l’associe en premier lieu !
Ainsi, à en juger l’Histoire, la première utilité de la musique de pub fut de permettre aux marques de simplifier leur mémorisation et de se différencier de leurs concurrents. Puis, les spots publicitaires ont entièrement conquis l’univers des médias, et leur conception a pris une multitude d’autres dimensions. Parmi elles, on retrouve bien évidemment la dimension affective, qui est sans aucun doute la plus importante.
En effet, les publicitaires savent à quel point la musique peut avoir une influence sur l’humeur d’une personne. Ils ont également conscience de son pouvoir sensoriel : pour traduire une idée ou exprimer un sentiment, le choix de quelques notes est parfois bien plus efficace qu’un long discours. Lorsqu’il s’agit de promouvoir un parfum, par exemple, la préférence se porte plus généralement sur des musiques envoûtantes et sensuelles, comme en témoigne le titre Deceive utilisé dans la pub Givenchy, où on voit une fille en longue robe de soirée arpenter les rues de Paris pour rejoindre un lieu secret où tout est permis. Si les créateurs de cette campagne ont choisi un tel style de musique, c’est parce que c’est ainsi qu’ils veulent illustrer l’identité de marque du parfum et créer de l’attachement. C’est d’ailleurs de cette manière que Dim a réussi à séduire son audience : en innovant et en renouvelant sans cesse ses spots, tout en préservant la même identité grâce au morceau The Fox, réorchestré et réarrangé à chaque nouvelle sortie. À présent, qui ne se sent pas envahi d’une vague de nostalgie en visionnant ces campagnes, même les plus récentes ?
Plus qu’une distinction, les musiques de pub sont presque devenues inévitables. Les publicitaires n’arrivent plus à imaginer le succès d’une campagne sans une sélection musicale parfaite. D’ailleurs, certains spots frisent le chef d’œuvre et cherchent de plus en plus à susciter l’intérêt par l’intermédiaire de musiques tendances ou d’artistes reconnus. C’est une stratégie qu’a maintes fois utilisé PepsiCo en tirant parti des grands noms de la culture pop comme Britney Spears, Beyoncé ou encore Michael Jackson. Plus ça va, plus les réalisateurs voient les choses en grand, et heureusement !
Mais attention, cela ne veut pas dire pour autant que l’identité sonore se perd au profit des rockstars ! Les images de marque n’ont jamais été autant retranscrites par des éléments audio qu’aujourd’hui : Netflix, SNCF, Coca-Cola, FDJ… Pour le moment, seulement 20% des entreprises utilisent des bruits pour mettre en avant leur image de marque, mais tout laisse à croire que la tendance redoublera dans les années à venir. Et pour cause : travailler son branding sonore présente de nombreux bienfaits pour une entreprise. D’une part, parce que cela lui apporte une singularité et un caractère unique que les prospects peuvent reconnaître facilement. D’autre part, parce qu’une composition musicale, même minime, permet de réaffirmer l’identité de marque, de jouer sur les émotions des clients et d’instaurer une relation de confiance avec eux. Le bruit en question ne se limite pas seulement à de la musique : il peut aussi s’agir d’une voix, d’un son, ou même d’un sifflement, et il excède rarement 5 secondes. Dim ne l’avait peut-être pas anticipé ainsi, mais à force de reprendre le même thème inspiré de The Fox, elle s’est créée une identité sonore. Même si désormais, les compositions de branding ne sont plus aussi longues que celle-ci, le résultat s’en rapproche : la mélodie de Lalo Schifrin a fusionné avec la marque et a su créer chez chacun d’entre nous un sentiment d’appartenance authentique.
Comment susciter de telles émotions ? Et surtout, par quels moyens les anticiper ? En réponse à ces interrogations, de nouveaux outils marketing se développent pour permettre aux agences et à leurs clients de mesurer l’influence des publicités sur les prospects. Parmi eux, il y a Feelin, une petite start-up qui se charge d’envoyer les spots publicitaires tout juste créés aux membres ciblés de sa communauté afin d’évaluer les impressions de chacun. Un tel procédé permet de déterminer l’efficacité de ces campagnes et de porter d’éventuelles modifications en cas de mauvais résultats. Un bon moyen de savoir si la musique choisie a un bon impact !
Alors, quelles sont les perspectives pour le futur ? Comment pensez-vous que les musiques de pub vont évoluer ? Vers les sons, l’expérimental, l’ASMR ? Ou bien vers un retour en arrière nous reliant à la nostalgie du rock, du funk et de la pop ? C’est ce que nous découvrirons dans les publicités de demain.